Le mercredi 26 octobre 2016, s’est tenu à la Maison de la Mutualité de Paris, une grande soirée bouddhique culturelle et culinaire, organisée par le Centre culturel coréen, l’Ambassade de Corée en France et l’Ordre Jogye du Bouddhisme Coréen. J’ai eu l’immense plaisir d’y assister et de découvrir la richesse et la variété des mets de la cuisine des temples.
J’avais déjà eu l’occasion d’apprécier la délicatesse et l’incroyable créativité de la cuisine végétarienne bouddhique dans un temple à Koyasan lors d’un séjour au Japon.
Naturelle, végétarienne, diététique, saine, équilibrée et écologique, il semblerait que nous ayons beaucoup à apprendre de cette cuisine millénaire pourtant totalement dans l’air du temps. J’ai été surprise de découvrir à quel point celle-ci est parfaitement ancrée dans la philosophie bouddhiste et fait même partie de l’entraînement spirituel du bouddhisme. J’ai l’impression que certaines des solutions que nous cherchons en réponse aux grands maux actuels dont souffre notre société, et notre perpétuelle recherche du bien-être, nous attendent juste là depuis des siècles, dans les fondements et pratiques de cette cuisine durable et harmonieuse qui nourrit des hommes et les maintient en bonne santé depuis si longtemps.
Cette cuisine s’est développée et s’est perpétuée dans les temples au cours des 1 700 ans d’histoire du bouddhisme coréen. Elle est basée sur le respect des saveurs naturelles des aliments, la recherche de l’équilibre et de l’harmonie des mets, l’utilisation de produits biologiques, locaux et de saison, bien souvent cultivés par les moines eux-mêmes ou tout simplement cueillis dans la nature. Les produits sont profondément mis à l’honneur dans les plats et quasiment tous d’origine végétale (le lait animal est toléré) : légumes de saison, baies sauvages, plantes médicinales, racines, graines, feuilles, tiges, fleurs… Il ne faut rien considérer d’inutile. Il est même interdit de jeter de la nourriture. Il est d’ailleurs préconisé de manger les fruits crus non pelés. L’eau de rinçage du riz et l’eau de trempage des champignons sert à préparer les ragoûts. L’eau dans laquelle les légumes ont été blanchis sert à la préparation des soupes. « C’est une belle façon d’exprimer son respect pour tous les aliments et de les remercier. »
A la fin de leur repas, les moines rincent les bols dans lesquels ils ont mangé, et boivent cette eau de rinçage :
« Barugongyang : le baru désigne l’ensemble des bols utilisés par les moines bouddhistes. Le barugongyang est, quant à lui, le nom donné au repas monastique formel. Tous les membres partagent le même riz et les mêmes condiments sans rien gaspiller, ne serait-ce qu’une seule goutte d’eau. Le repas au temple est donc respectueux de l’environnement, et nous le recevons en gardant à l’esprit qu’il est comme un médicament qui aide à maintenir notre corps pour que nous puissions atteindre l’illumination. »
Afin d’être en accord avec le grand précepte bouddhiste qui consiste à s’abstenir de tuer tout être vivant, la viande et le poisson sont proscrits, ainsi que les oeufs.
Cinq légumes au goût piquant sont exclus du régime alimentaire bouddhique coréen parce que leur consommation perturberait l’esprit et ne favoriserait pas la méditation : l’ail, le poireau, la ciboulette, l’oignon sauvage et l’oignon.
Le soja assure l’apport principal en protéines, les huiles végétales en acides gras insaturés et les légumes complètent l’apport en vitamines, minéraux, fibres et « composants thérapeutiques ».
Pendant le barugongyang, les moines partagent la même nourriture et démontrent leur gratitude envers les efforts et les soins apportés par tous ceux qui sont intervenus dans toutes les étapes de la préparation des mets : culture, cueillette, préparation, cuisson. Il s’agit également de consommer en quantité modérée sans rien gaspiller.
La cuisine des temples fait appel à des techniques ancestrales de conservation et de fermentation (kimchi, pâte de soja, sauce soja, légumes en saumure) aux multiples vertues thérapeutiques qui ne sont plus à démontrer.
Elle recherche le bien-être et la santé de ceux qui la consomment, dans un dialogue paisible et continu entre le corps, les aliments et la nature.
Le corps qui participe à l’élaboration de cette cuisine délicate. Le riz et les légumes doivent être lavés à main nue avec soin et attention. Le toucher est fondamental dans la cuisine bouddhique coréenne, en même temps que la pleine conscience des gestes qui se succèdent dans l’élaboration des mets.
Il est curieux d’observer à quel point cette cuisine saine et sobre dans ses fondements, parvient pourtant à un résultat des plus goûteux, esthétique et raffiné. Comme quoi, la réussite en cuisine tient sans doute dans la simplicité.
Cette recherche constante de l’équilibre et de l’harmonie : dans les goûts, dans les couleurs, dans les éléments de la nature mis en jeu. C’est de ce bel exemple de cuisine durable, authentique et millénaire que nous devrions nous inspirer. Revenons aux fondamentaux : cultiver sa propre nourriture dans le respect profond de la nature, utiliser des techniques ancestrales de conservation et de fermentation, partager la nourriture, ne rien gaspiller, cuisiner avec coeur et attention, apprécier et démontrer sa gratitude envers les aliments qu’il nous est donné de bénéficier.
Food for thought.
Pour illustrer mes propos, voici ce que nous avons dégusté lors de cette soirée bouddhique :
- Potage aux racines de lotus
- Pâte de tofu fermentée et affinée 3 ans, chou chinois et paprika
- Aubergines et champignons de Paris sautés à la sauce soja affinée 20 ans
- Kimchi blanc à base de chou chinois, accompagné de carotte, navet coréen, pignons de pin et champignons
- Gelée de patates douces et de sésame
- Galette de kimchi et haricot mungo
- Salade de coriandre à la sauce soja affinée 10 ans
- Ravioli coréen aux noix, champignon shiitake, tofu et chou chinois
- Noix et feuille de poivrier du Sichuan à la pâte de piment rouge coréen affinée 7 ans
- Chou à la sauce de sésame noir au sel traditionnel
- Bardane grillé et champignons mijotés à la sauce soja affinée 7 ans et tofu
- Riz enveloppé dans une feuille de lotus, sésame, noix de ginkgo et pignons de pin
- Champignons et courgette sautés à la pâte de soja affinée 5 ans
- Epinards et algues à la sauce soja affinée 5 ans
- Racine de lotus saumurée au vinaigre de laminaire affiné 10 ans, jujube
- Kimchi aux kakis mûrs à la sauce soja affinée 5 ans
- Kimchi à base de concombre
- Gâteau de riz demi-lune accompagné de sauce aux pignons de pin et miel affiné 3 ans
- Biscuit à base de graines de bai zi ren de recette monastique
- Thé de pin, thé de lotus et thé de schisandra
Super bonne nourriture pour le corps et l’esprit. Suis à la recherche d’un livre de reverted sur ce thème. Merci